Est-ce que grandir, c’est renoncer à ses rêves d’enfance ? On ne devient pas tous danseuse ou pompier parce qu’en grandissant nos horizons s’élargissent, nos centres d’intérêt changent, on se découvre un don pour le dessin, un esprit fait pour les maths… et nos vieux rêves d’enfants s’effacent sans regrets. On y repense avec une pointe de nostalgie attendrie, au plus. J’ai une expérience un peu différente. Moi j’ai d’abord voulu être historienne, vivre dans les livres, les dates et les chronologies, réveiller le passé et faire parler les morts. J’avais 6 ou 7 ans. Puis j’ai voulu deux choses :
- Devenir archéologue ou paléontologue ou palynologue (mais surtout archéologue). J’ai renoncé quand j’avais 12 ans et qu’une conseillère d’orientation m’a envoyé à la figure que je ne devais, ne pouvais pas. Des choses comme « perspectives d’emploi minces », « aucune stabilité » ou encore « revenus très faibles ». En soi, avoir de l’argent, la stabilité de l’emploi… c’étaient des notions qui ne me parlaient pas – je m’en fichais bien sûr, mais elle me donnait l’impression que ça devait être ma première préoccupation. La conseillère m’a donc fait peur, surtout, elle a brutalement défini le rapport qu’un adulte responsable et respectable doit entretenir avec ses choix pour le futur : grandir, c’est sacrifier ses rêves d’enfant à des critères comme la stabilité de l’emploi et le plus gros salaire possible.
- Voir le monde. Pendant longtemps j’ai vécu le paradoxe de celui qui s’imagine mille projets de vagabondages vissé sur son canapé… mais passer sa vie sur les routes, ce n’est pas raisonnable, n’est-ce pas ? Une autre fantaisie d’enfant qui doit laisser place à la réalité, me soufflaient la conseillère et ses pairs. Une fantaisie qui m’a hantée avec constance, pourtant.
J’ai longuement attendu le déclic qui me donnerait ce qu’il me manquait pour faire face à ma « vraie » vie d’adulte, où j’apprendrais enfin à me débrouiller sans que mon cerveau ne me joue l’un de ses tours mystérieux qui me rendait allergique à la moindre paperasserie administrative, me paralysait dès qu’il s’agissait de prendre une décision « de grand » (assurance, banque, permis…) quand je savais le faire dans les autres domaines. Je ne parvenais pas être comme ça. J’avais dans la tête une fillette de 10 ans qui rêvait toujours devant les reportages de National Geographic et me piratait l’esprit dès qu’il s’agissait de me confronter à cette réalité, celle de mes responsabilités d’adulte, parce que je les avais bêtement associées à la fin de mes rêves, à une triste vie qui sonnerait creux. Le déclic n’est jamais venu.
Quand je suis partie pour la Nouvelle-Zélande en 2011, je le voyais comme un adieu à mon vieux rêve, celui qui ne m’avait jamais quittée : une année à l’autre bout du monde, à défaut d’une vie autour du globe. J’en aurais vécu un petit morceau, puis je reviendrais à la vie que j’étais supposée vouloir, j’allais enfin faire taire l’enfant en moi et je me préoccuperais de carrière, de stabilité, de retraite. Avec un peu de chance, je ne serais pas malheureuse.
Et puis…
Sur mon long nuage blanc j’ai le cœur à l’envers : je me découvre, je suis heureuse, j’oublie d’être raisonnable, je prévois d’autres voyages, je constate qu’Anne nomade gère sa vie bien mieux qu’Anne sédentaire. Je tombe amoureuse. Je veux voir le monde et je le fais.
En fait, je décide de suivre un conseil d’Antoine de Saint-Exupéry :
Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore votre rêve.
Maintenant…
Ma carrière ? Inexistante. Mes revenus ? Irréguliers, souvent faibles. Ma retraite ? Mal barrée. Mais ma vie ? Comme un rêve devenu réalité.
8 commentaires
magnifique, ma chérie… continue et vis ta vie pleinement encore et encore et encore …. à l’infini.
Bravo
C’est exactement ce que je ressens. Et les gens « normaux » ont du mal à comprendre…
Silecee Artículo reciente – Article récent Où manger ou prendre un café à Ikebukuro ?
Oh ça c’est un article trèèèès sympa qui ne peut que me donner le sourire pour toi, bravo pour la dernière phrase
Bisous !!!
Magnifique !
Profite ma soeurette !!
😉
Je te rejoins sur beaucoup de points (entre autre la carrière avortée dans l’archéologie ! 😉 C’était un de mes grands rêves – enfin, ça le reste ! – et on m’en a détourné car « débouchés faibles » …).
Vivre sa vie … quel défi !
Je pense que nous avons une philosophie commune, car mon plus grand cauchemar, c’est de finir comme ce vieux monsieur dans Up/Là-haut : rêver toute sa vie, puis être vieux et n’avoir que des regrets de n’avoir rien réalisé.
Je parlais encore de mes projets (année(s) sabbatique(s) …) avec des proches ce we, et si certains se sont habitués à mes désirs de voyages, d’autres ne comprennent pas qu’on puiss « lâcher » autant de sécurité et partir sans aucune garantie. La réaction qui m’a le plus amusée, c’est celle où mon amie disait ne pas pouvoir admettre que je « brûle » une de mes sécurités maintenant : »tu en auras peut-être besoin plus tard » … Mais c’est maintenant que je veux vivre, pas plus tard !
En tout cas le voyage est mon oxygène et j’aime voir que d’autres ont la même façon de penser et surtout de vivre et se réaliser ! Bonne suite à toi

Amandine@Unsacsurledos Artículo reciente – Article récent Interview {Voyages en amoureux} sur Honeymoon on a budget
Merci Amandine, en effet on a parfois des réactions d’incompréhension… ça rejoint cet article de Novo-monde que j’aime beaucoup, sur les réactions à l’annonce de leur tour du monde.
Je me souviens de tes écrits sur les moches, on sentait l’intérêt d’une archéologue en herbe 😉 Quant à moi, j’ai parlé de ce moment car il a été important dans ma vie, mais je ne cherche pas non plus à dénigrer la réponse qui m’a été faite : on ne peut pas reprocher à quelqu’un de m’avoir déconseillé de m’orienter dans une carrière difficile. Si j’avais été plus sûre de moi et plus déterminée, je l’aurais fait quand-même, j’ai ma part de responsabilité aussi. C’est juste que le côté « tes passions et centres d’intérêts sont secondaires, ce qui compte c’est la productivité, les revenus, etc. » m’a effarée à l’époque et que j’ai longtemps cru être à côté de la plaque car je n’arrivais pas à m’en soucier ! Maintenant, je comprends totalement que de nombreuses personnes valorisent ces notions dans leurs choix et qu’elles en sont très heureuses.
Anne Artículo reciente – Article récent Comment trouver du travail en Australie
Wahou ! Comme tu dis, il en faut du courage, pour vivre ses rêves, c’est tellement plus simple de rêver sa vie de son canapé… Mais l’angoisse, se réveiller à 50 ans et réaliser qu’on est passé à côté de quelque chose ! Une chose est sûre, il ne faut pas attendre la retraite pour profiter de la vie.
Je t’avoue que ton article me donne la gouache. J’ai décidé d’un mode de vie similaire (je vis actuellement à Hong Kong après plusieurs expatriations, et passe ma vie en escapades un peu partout) et il m’arrive d’angoisser sur les questions « raisonnables » de la vie.
Vivons, que diable !

Profite
Marie Artículo reciente – Article récent Danse et mets tes baskets, chouette
Merci Marie, ravie de savoir que mon article te donne « la gouache » 😉 Je connais un peu tes errances car je passe sur ton blog de temps en temps (son nom m’avait totalement accrochée et j’aime beaucoup ta façon d’écrire), même si je ne commente pas… bref, ça fait plaisir de te voir passer par ici !