Tout est calme dans la forêt du Parc National Huerquehue. J’entends juste le bourdonnement d’insectes et les discrets cliquetis de l’appareil de Benjamin, qui cherche une jolie vue sur le lac que le sentier surplombe. Aucun signe des randonneurs croisés jusqu’ici. Du léger bruit de fond se détache soudainement un picorement. Un toc-toc-toc ténu dont nous connaissons l’auteur sans avoir réussi à le voir jusqu’ici : le pic de Magellan, oiseau fameux en Araucanía. Je croise le regard de Benjamin, lui aussi a entendu ! Cette fois, nous sommes bien décidés à le voir : il me fait signe d’avancer en silence vers la source du bruit.
Tous les 3 mètres nous nous arrêtons et tendons l’oreille, craignant que la forêt soit retombée dans le silence. La joie et le soulagement d’entendre le pic chaque fois plus proche dessinent des sourires sur nos visages, on dirait deux grands enfants jouant à la chasse au trésor. Puis enfin, je le vois : un mâle, le corps noir et la tête rouge, s’attaque au tronc d’un arbre pour y trouver des vers à manger. Il est à une quinzaine de mètres de nous, à peu près à notre hauteur car ici le terrain forme une pente jusqu’au lac et l’arbre où il est perché culmine à peine plus haut que le chemin. Ces oiseaux sont assez grands pour bien les voir à cette distance et le point de vue est parfait, nous avons de la chance ! Vite, j’aide Ben à changer d’objectif, puis il le photographie alors que je suis des yeux ses bonds d’une branche à une autre. Voilà que j’en entends un autre : une femelle est à quelques mètres à peine ! Son corps à elle est tout noir et sa silhouette me rappelle instantanément Woody Woodpecker. Nous les observons quelques minutes, je m’amuse du mouvement de tête saccadé avec lequel ils perforent l’écorce. Nous finissons par les perdre de vue, peu à peu ils s’éloignent…
Le Parc National Huerquehue commence enfin à nous plaire et il était temps! Il faut dire que jusqu’au couple de pics, nous avons été déçus. Dès l’entrée : nous avons voulu visiter le petit centre d’information, inexplicablement fermé. A la place, nous nous sommes trouvés face à un homme ivre et malpoli (l’alcool n’aidant pas), apparemment membre ou proche du personnel car il était dans la maison CONAF adjacente ! L’un des deux principaux sentiers (celui que nous suivons jusqu’au refuge Renahue) sort des limites du parc dans ses premiers kilomètres, transformant la marche en une balade le long d’une banale route de campagne entourée de fermes et de petits commerces (tout ce dont un randonneur rêve…). Cela signifie que le randonneur devra payer à nouveau l’entrée pour faire le reste du sentier s’il n’y rentre pas à nouveau le jour même et décide de passer la nuit dans l’un des campings privés. Nous n’avons jamais été aussi contents d’avoir la carte CONAF. Puis c’est la corbeille débordante de papier hygiénique dans les toilettes du poste Nido de Aguila qui nous écœure. A cette époque de l’année, il ne passe plus tant de monde par ici. Il est facile d’assurer l’hygiène des lieux.
Autre fait étrange, Benjamin et moi sommes possesseurs d’un véritable trésor : le plan du parc ! Nous l’avons obtenu à Temuco en prenant des renseignements auprès du siège régional de la CONAF. A l’entrée, ils n’en n’ont pas. Les randonneurs sont un peu perdus, cherchant à rejoindre un lac où un autre, n’ayant qu’une petite idée de la disposition des lieux voire de la longueur des sentiers. De tous les parcs et réserves visités au Chili, c’est la première fois que nous constatons de tels dysfonctionnements dans la gestion et l’accueil.

Laguna El Toro, une jolie vue du Parc National Huerquehue non loin de l’endroit où nous avons vu nos premiers pics de Magellan.
Au refuge Renahue, situé à la lisière du parc, nous sommes étonnés de voir des panneaux faisant la pub d’un camping et petit commerce situés « à 15 minutes », ainsi qu’un sentier marqué exactement comme celui que nous venons de suivre (la même peinture bleue) menant jusqu’à eux. Le site de Renahue est une jolie et grande clairière entourée de bois et de hauteurs où l’on devine aisément les araucarias. Un cours d’eau passe à proximité. C’est calme et très agréable, on se sent bien ici. Le lendemain, Benjamin et moi décidons d’aller voir de plus près le camping « à 15 minutes ». On est plus proche de la grosse demi-heure. Mais ce qui nous interpelle réellement, c’est qu’alors que nous sommes encore dans le parc, nous tombons sur un ruisseau pollué celui qui passe en amont à côté du camping. Une pellicule d’un liquide ressemblant à de l’essence est parfaitement visible. Je suis déconcertée, je vois mal un randonneur se balader avec de quoi créer ce style de pollution. Qui a fait ça, dans quel but ?
Heureusement, il y a de la vie ! La forêt est pleine de champignons qui font le bonheur de Benjamin, qui en profite pour s’essayer à ce nouveau sujet de photos. Nous croisons quelques insectes, des araignées étonnantes, une grenouille cachée entre des marches boueuses du sentier, un tout petit rongeur aux grands yeux nommé monito del monte, des fleurs, d’autres oiseaux et pics… En tant que lieu de vie, le Parc National Huerquehue est une promenade très agréable.
Mais nous sortons plutôt mécontents. Le Parc National Huerquehue est le plus cher que nous ayons visité. C’est surtout le plus touristique de la région. On nous en a vanté la beauté : encore plus que le magnifique Conguillío, qui m’avait absolument enchantée, encore plus que Nahuelbuta et sa forêt vivante ou sa vue époustouflante. Les guides en parlent, conseillent de le visiter. Assez logiquement, pas mal de randonneurs croisés dans le parc ne font que ce celui-ci dans la région avant de continuer leur voyage, et passent à côté de zones naturelles merveilleuses.
Je ne comprends pas pourquoi une telle mise en avant. Huerquehue est joli, mais après avoir visité deux joyaux de la magnifique Araucanía, je m’attendais à quelque chose d’exceptionnel. Ce n’est pas le cas. Le Parc National Huerquehue est situé à proximité de la très touristique ville de Pucón; j’ai l’impression que cela en fait une vedette un peu démesurément. Si vous visitez l’Araucanie, ne vous précipitez pas dans ce parc : privilégiez Nahuelbuta ou Conguillío. Puis, si vous avez le temps et le budget, allez à Huerquehue. Avec un peu de chance, vous apercevrez quelques pics de Magellan…
Parc National Huerquehue Informations (en espagnol) : www.parque-huerquehue.blogspot.com Tarifs : Décembre-Avril, Chilien adulte 2.500 CLP – enfant 1.000 CLP. Etranger adulte 4.500 CLP – enfant 2.500 CLP. | Mai-Novembre, Chilien adulte 1.500 CLP – enfant 500 CLP. Etranger adulte 2.000 CLP – enfant 500 CLP. Horaire : du lundi au dimanche. Décembre-Avril, 8h30-20h | Mai-Novembre, 8h30-18h30. Camping: Décembre-Avril, Chilien 12.000 CLP/site. Etranger 15.000 CLP/site. | Mai-Novembre, Chilien 10.000 CLP/site. Etranger 12.000 CLP/site. |
Mots-clefs : Parcs et Réserves au Chili randonnée Région de l'Araucanie tourisme animalier Voyage : Chili et Argentine
4 commentaires
Moi je veux voir le rongeur aux gros yeux ! (c’est peut être un membre de ma famille ^^)
Ah, il a filé très vite. Au début, j’ai même cru que c’était une feuille qui bougeait, alors le temps de comprendre ce que tu vois, l’appareil n’a pas eu le temps d’être dégainé ! Pour la photo, Wikipédia est notre ami, comme toujours
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Monito_del_Monte_ps6.jpg
Ohhhh, il est trop fluffy!!! <3
Alors, bientôt le départ pour la grosse île ??
Ce dimanche… hâte de découvrir l’Australie qui me fait tant rêver !