Depuis qu’on est parti de Temuco, on a adoré toutes les étapes de notre petit voyage en stop : avec chaque kilomètre parcouru j’ai l’impression que le paysage est de plus en plus beau, les gens de plus en plus généreux et accueillants.

Pourtant ça commençait bien : faire La Junta-Puerto Aysén en une journée en stop, c’est pas gagné !
Cet émerveillement quotidien, c’était jusqu’à Puerto Aysén
On n’avait même pas prévu d’y aller, mais c’était la destination du camionneur qui nous a pris en stop à La Junta, alors pourquoi pas ? On atterrit à 21h dans la station essence à l’entrée de Puerto Aysén. A ce moment je ne le sais pas encore, mais la vendeuse de la station résume à elle seule l’impression que m’aura laissé toute sa ville : un triste cliché. Elle mâchouille son chewing-gum, garde les yeux rivés sur son portable en permanence, répond à peine, prend 5 minutes avant de préparer nos cafés… le stéréotype parfait de la vendeuse qui s’ennuie à mourir.
Le camionneur nous a dit qu’il loge dans un hospedaje pour 13 000 CLP par nuit, petit-déjeuner, déjeuner et dîner compris. On pense qu’à ce prix-là, même si on ne trouve pas de camping, on devrait s’en sortir pour se loger à un tarif compatible avec notre budget. La désillusion vient dans les deux heures qui suivent : rien en dessous de 10 000 CLP par personne sans les repas et sans accès à une cuisine dans les hospedajes, et c’est bien plus cher dans les quelques auberges de jeunesse.
Où est-ce qu’on a débarqué ? Les routards qui échouent à Puerto Aysén ont mal au budget, c’est certain.
On tourne pendant des heures, on téléphone, on frappe aux portes, les prix s’alignent tous… On n’est pas idiots, on se doute bien que notre ami camionneur et ses collègues payent moins et que le prix dépend de la personne : les touristes payent plus. C’est déstabilisant car c’est la première fois que je le vois autant marqué au Chili, mais c’est le cas dans plein d’endroits du monde.

Le camion qui nous a déposés à Puerto Aysén, après une route géniale…
Un policier nous indique un lieu un peu calme et à l’écart où on peut planter la tente, mais je refuse absolument de faire du camping sauvage dans une ville, même petite : on se résout à passer la nuit en hospedaje et à dépenser entre trois et sept fois plus que d’habitude en hébergement. Pas de drame, mais on ne peut simplement pas rester plus longtemps ici, comme un bon nombre de voyageurs à budget serré, je le suppose.
Une perte de temps
On se console en se disant que le lendemain matin on pourra faire les quelques achats nécessaires à la suite du voyage ici, plutôt que d’aller à la ville de Coyhaique, avant de reprendre immédiatement la route pour le sud.
On fait nos courses sous la pluie. La difficulté à trouver ce dont on a besoin – une simple veste polaire pour Benjamin, par exemple – nous frustre et nous retarde énormément. On n’est pas les premiers et on ne sera pas les derniers à le dire : ici il y a beaucoup à faire pour développer et exploiter l’économie du tourisme, ça va de l’hébergement à l’équipement. Disons juste qu’on commence à sérieusement regretter d’être venus à Puerto Aysén. Dommage.

Une seule envie : retrouver la sublime Carretera Austral et oublier Puerto Aysén.
La petite arnaque qui nous achève
Il est déjà 16h et des poussières quand nous sommes enfin prêts à repartir en stop et le courage nous manque : il pleut, la fin de la journée approche, on est moroses, on pensait lever le pouce au plus tard en début d’après-midi… bref, on hésite. Nous décidons de prendre un café au chaud et de décider de ce qu’on fait à ce moment, plutôt que de discuter sur un coin de trottoir humide.
Et là, nous faisons une erreur de débutant : le prix du café n’est pas affiché et dans le sud du Chili on s’est tellement habitués à faire confiance… on ne demande pas le prix avant de commander. On discute quelques instants avec la propriétaire du petit restaurant quand elle nous sert les cafés, lui demande si elle connaît un hébergement pas cher dans la ville au cas où le stop ne fonctionnerait pas, on lui explique qu’on voyage avec un budget serré. Quelle ironie : au moment de payer, elle annonce à Ben que c’est 2 000 CLP, pour de l’eau chaude et un peu de café instantané. En général ici un café c’est 400 CLP. Elle propose un menu pour deux, boisson, pain et dessert compris, à 4 000 CLP. Mais nos deux misérables cafés valent un repas.
Ces deux crétins de touristes, ç’aurait été dommage de ne pas les avoir.
C’est la touche finale : la dernière impression que je garderai, celle qui me fera dire « Ne perdez pas de temps à Puerto Aysén, c’est déprimant et on ne manquera pas une opportunité de vous rouler ». Le triste cliché du lieu où on vous traite tout de suite avec moins de respect si vous êtes un touriste. Celui qui me donne envie de ne jamais y retourner. 2 000 CLP ce n’est pas grand-chose, mais c’est vrai ce qu’on dit : ce sont les petits détails qui comptent le plus.

Nos sauveurs : Jaime et Teresita nous ont pris en stop à la sortie de Puerto Aysén et invités chez eux.
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