Ce matin je me suis réveillé avec un sentiment de peur de l’avenir. Je mentirais si je disais que c’est la première fois que cela arrive, généralement avec chaque grand changement je passe par un moment de grande incertitude. Je ne sais pas où nous serons dans une semaine, je ne sais pas combien de temps il nous faudra pour retrouver du travail ni combien de temps nos économies dureront. Hier s’est achevé un voyage de trois semaines, de Darwin à Perth, avec les parents d’Anne. Maintenant ils sont probablement dans l’avion qui les ramène à leur vie normale en France tandis que nous, nous nous demandons si nous restons un moment à Perth, si nous allons ailleurs et dans ce cas, où.
Zones de confort, d’apprentissage et de panique
Chaque fois que nous arrivons dans un nouvel endroit, nous ne faisons rien d’autre que d’élargir notre zone de confort, où nous nous sentons à l’aise parce que nous connaissons et dominons ce qui nous entoure. Pour beaucoup de gens, sortir de leur zone de confort est effrayant. C’est normal, dès notre plus jeune âge nous sommes conditionnés à faire preuve de prudence, la prudence est vue comme une vertu et, parfois, elle a tendance à s’opposer à la curiosité, ce « vilain défaut ».
Hors de notre zone de confort, il y a la zone d’apprentissage : là où nous apprenons de nouvelles choses et d’élargissons notre zone de confort. C’est la zone d’apprentissage que nous les voyageurs aimons, c’est là que nous apprenons et découvrons. C’est pour cela que beaucoup finissent par se sentir à l’aise dans un endroit à des milliers de kilomètres de là où ils ont toujours vécu.

Hors de notre zone de confort on peut faire des choses incroyables…
En dehors de la zone d’apprentissage se trouve la zone de panique, effrayante pour la plupart des gens. Un jour que je parlais avec quelqu’un, je lui ai expliqué que j’adorerais voir le Pakistan et le regard qu’il m’a lancé m’a marqué… Il disait clairement « Soit tu plaisantes, soit tu es un idiot. » Pour lui, le Pakistan est un coupe-gorge à tous les coups mais le plus drôle, c’est qu’il n’a jamais été au Pakistan, ni même en Asie. Beaucoup de gens parlent et donnent des conseils sans savoir, pensent que le but dans la vie est de toujours jouer la sécurité. Malheureusement pour ces gens la connaissance, la découverte et l’innovation proviennent généralement de la zone de panique.
Beaucoup confondent l’inconnu avec le danger. La zone de panique n’est pas mauvaise en soi, c’est au contraire un lieu magique, un lieu où tout peut arriver. Pour cela, la motivation et la détermination sont très importantes. La peur d’aller vers l’inconnu est quelque chose que chacun d’entre nous a dû affronter plus d’une fois, la vaincre est une grande victoire. Quitter son emploi pour parcourir le monde est fou aux yeux de beaucoup de gens, le salaire reçu chaque mois est comme les petites roues stabilisatrices d’un vélo : avec elles c’est beaucoup plus facile de pédaler, mais sans elles, on peut aller plus vite et rouler dans des endroits autrement impraticables. C’est pour ça que je renomme la zone de panique, la zone d’opportunités ou la zone magique.

…aller dans des endroits incroyables…
Tout le monde a peur de quelque chose, c’est normal et on peut même dire que c’est sain, parce que la peur nous maintient alerte. Le secret est d’avoir le courage d’affronter sa peur. Dans une interview, Felix Baumgartner, le parachutiste autrichien recordman qui a sauté de la stratosphère à 39.000 mètres d’altitude en 2012, a dit “Bien sûr [que j’ai peur], mais comme cela fait longtemps que je réalise des exploits extrêmes, j’ai appris à utiliser ma peur à mon avantage. La peur est devenue mon amie. C’est elle qui m’empêche d’aller trop loin.” Le cas de Felix est un peu extrême, mais il peut servir d’exemple pour toute situation.
Il arrive souvent que l’on repense à un événement ou un moment de notre vie et avec le recul, on rit de nos appréhensions, d’avoir eu peur de quelque chose qui semble maintenant tout à fait normal. C’est ce qui m’arrivera aussi à propos de mes incertitudes d’aujourd’hui, je les trouverai absurde… mais je sais aussi que j’en éprouverai d’autres.
Vivre dans la peur, c’est vivre à moitié
On ne peut pas vivre sans crainte parce que c’est naturel et même bénéfique, mais nous devons lui faire face pour qu’elle ne nous limite pas. La peur est le plus gros obstacle à surmonter pour entrer dans la zone d’opportunités ou zone magique. Le plus facile est de prendre son sac à dos et de partir voyager, pour le reste on voit en chemin.

…voir des choses incroyables…
Beaucoup ne vivent pas 365 jours par an, ils vivent le même jour 365 fois. La monotonie est ce qui fait que la vie semble ennuyeuse. Nombreux sont ceux qui vivent dans l’attente du vendredi, il n’est pas rare de voir ou d’entendre, « Enfin vendredi. »
Mon rêve c’est voyager, c’est un rêve assez commun. Trop de gens attendent leur vie entière pour réaliser ce rêve, ils attendent la stabilité. Certains y arrivent, d’autres pas. D’autres encore se contentent de se voyager une fois par an et d’essayer de visiter beaucoup d’endroits en peu de temps. Difficile en deux semaines de voir l’Europe ou l’Asie du Sud-Est. Nous avons, comme beaucoup d’autres, décidé de vaincre nos peurs et de réaliser notre rêve, nous vivons dans notre zone d’apprentissage, nous aimons la zone magique et peu à peu nous transformons le monde en notre zone de confort.

…il faut juste rêver et vaincre ses peurs pour réaliser ses rêves !
15 Comments
Very nice and very true, Ben!
Salut Benjamin,
Très bonne réflexion sur la peur. J’aime bien la notion de zone de confort, d’apprentissage et de panique. C’est une manière pertinente de voir les choses.
Quand on sait que cette fameuse zone de confort s’arrête au quartier dans lequel certains vivent c’est malheureux pour eux…
Repoussez les frontières de tierra desconocida de quelques kilomètres et faites cela tous les jours.
j’adhère complètement aussi aux propos du parachutiste autrichien. La peur aide non seulement a avancer si l’on sait la dompter mais elle permet également de ne pas dépasser le point de non retour.
Alors comment la maîtriser ? Pour ma part lorsque je la ressens fortement et que je risque de céder à la panique, je me récite la litanie de Franck Herbert :
Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi.
On peut néanmoins faire plus court en disant simplement que la peur n’évite pas le danger.
Tony Artículo reciente – Article récent Que reste-t-il de la citadelle de Hué après 2 guerres ?
Très bonne citation !
Pour nous la zone de confort n’est pas que géographique, même si c’est comme ça qu’elle apparaît souvent au voyageur… ça peut être aussi, par exemple, de voyager seul(e). Combien de fois ai-je entendu “Wouahou tu voyages seule, moi je n’ose pas, j’aimerais bien partir mais je n’ai personne avec qui le faire” ou si je voyage en couple “Ah quelle chance tu as, tu peux voyager, tu as ton copain !” C’est vraiment triste. Il y a de bonnes raisons de renoncer à voyager mais la peur n’en fait pas partie.
Si cet article permet à ne serait-ce qu’une personne de mieux analyser sa situation et les raisons qui l’empêchent de se lancer et que ça l’aide à réaliser son rêve d’ailleurs… alors ce sera mission accomplie pour Ben (et pour moi) !
“le salaire reçu chaque mois est comme les petites roues stabilisatrices d’un vélo : avec elles c’est beaucoup plus facile de pédaler, mais sans elles, on peut aller plus vite et rouler dans des endroits autrement impraticables”
J’aime beaucoup, beaucoup cette image! Elle résume tout à fait ce que je pense et ce qu’il s’est passé pour nous pendant notre voyage. Des moments de peur, on en a eu, et aujourd’hui rentrés, on en a aussi bien sûr. Mais le fait d’avoir tout lâché, et de s’être rendu compte qu’on roulait quand même nous a donné une très grande confiance en nous. On s’est dépassés pendant notre TDM, et bien qu’on dise souvent que les voyages d’aujourd’hui ne sont plus des “aventures”, je trouve qu’à notre niveau, si, c’en était une. Parce qu’il nous a fait sortir de cette zone de confort, qu’on a dû prendre sur nous un paquet de fois et nous surpasser sans arrêt….
Bref, j’aime beaucoup cet article 🙂
Ah, et puis sinon avant de partir, outre les gens qui n’ont pas compris qu’on puisse lâcher notre boulot et notre sécurité pour voyage, d’autres nous ont demandé si nous partions avec une arme, au cas où… Pour eux le reste du monde doit être vu comme une sorte de jungle! 🙂
Lydia, Nowmadz
lydia@nowmadz Artículo reciente – Article récent De l’herbe dans les toilettes et l’infâme Garua
Je crois que nous sommes tous confrontés à l’incompréhension face au choix du voyage, à divers degrés. Je me rappelle des “ça va faire un vide sur ton CV”, par exemple. Le sacro-saint CV, seul document à même de prouver ma valeur… qui a envie de s’éterniser dans cet univers ? Je frémis de penser que des gens renoncent à leurs rêves de voyage, les reportent indéfiniment, à cause du redoutable CV.
Le coup de l’arme c’est fort ! Enfin, je me souviens d’une copine allemande rencontrée en Nouvelle-Zélande dont la mère avait glissé une bombe lacrymogène dans ses bagages… ça l’avait sacrément retardée aux douanes et au final on lui avait confisqué ! Je suppose que ceux qui vous ont suggéré d’emporter des armes ne passent pas beaucoup de frontières 😉
ça c’est de l’article!!!
vous vous êtes mis à étudier la psychologie du voyageur???
en tout cas moi c’est pareil, à chaque nouveau départ la même boule au ventre, la même appréhension, et toujours la même envie d’y aller pour enfin savoir sur quoi ça va aboutir.
“zone d’apprentissage, magique et de confort” c’est à vivre.
Magnifique texte !
Qui fait réfléchir…
Qui fait rêver…
🙂
Bonjour,
J’ai tendance à penser que le caractère sécurisé, voire sécuritaire des sociétés occidentales, en bonne partie lié au rôle de l’Etat moderne et à l’héritage keynésien (Etat protecteur, redistributeur et encadrant le capitalisme), a pu causer une sorte de crainte du risque, du non-cadré.
Quand je pense à la vie déprimante et répétitive que mène une majorité de salariés, conscients de l’inutilité globale des tâches qui leur volent 10h de leur journée, dont le but principal est la sécurité et la conso, je comprends la peur d’un saut dans l’inconnu, car voyager peut permettre de renouer avec un rythme biologique (et non celui des sonneries de téléphone, de l’usine, de l’école, du métro, du réveil…) et une absence d’impératifs… Autrement dit, on sort totalement de la vie bien organisée et qui, réglée comme du papier à musique, concourt à éviter toute angoisse et surtout celle que procure le sentiment (même et surtout illusoire) de liberté.
Comme disait l’autre, parfois en se jetant dans le vide on s’aperçoit soudainement que des ailes nous poussent.
Salutations,
M
Mike @ Voyageurs du Net Artículo reciente – Article récent Tomatina de Buñol : une géante bataille de tomates
Bonjour Mike,
Très intéressantes remarques. Je trouve ce que tu écris sur le retour au rythme biologique très vrai ! Je n’y avais pas beaucoup pensé mais c’est certain, en voyageant j’ai tendance à me coucher et à me lever avec le soleil par exemple, et je suis généralement plus consciente des besoins (et des limites) de mon corps.
Merci de ta participation
Anne
Très chouette article Benjamin. Ce sont des notions et une philosophie de voyage qui me parlent beaucoup … à tel point que je suis en train d’écrire un article sur le sujet moi aussi ! Mais tu as été le plus rapide ! 😉
J’ai découvert votre blog grâce à Haydée de Travelplugin, et j’en suis ravie : votre aventure est vraiment sympa !
Amandine@Unsacsurledos Artículo reciente – Article récent Les dangers d’internet en voyage
Merci Amandine, j’ai hâte de lire tes pensées sur la question (promis, je traduirai à Benjamin) !
J’ai découvert ton site il n’y a pas longtemps non plus (d’ailleurs j’ai constaté qu’on avait les mêmes goûts en matière de thème pour le site 😉 ) avec ton très bel article sur les Galapagos, grâce à Haydée aussi, décidément…
Anne Artículo reciente – Article récent Le crocodile marin, superprédateur australien
Vive Haydée et Travelplugin ! 😉
Amandine@Unsacsurledos Artículo reciente – Article récent Construire sa Bucket List en couple, possible ?
J’abordais justement cette question de la peur dans mon Edito de lancement sur mon blog de voyage. C’est ce qui bloque pas mal de gens.
Parfois, ça empêche de prendre de grandes décisions. Et pour ceux qui arrivent à se décider plus facilement, c’est après que le peur peut arriver : après avoir quitté le job, après une rupture… Et franchement, c’est très dur de lutter contre, je ne sais pas comment font les gens pour “avoir peur” au quotidien, ne jamais rien oser, prendre de risque. C’est suffisamment dur quand c’est ponctuel !
Chris @ Tour du monde Artículo reciente – Article récent Interview d’Antoni, voyageur passionné par la plongée actuellement en Australie
J’aime bien le concept de “la zone magique”… C’est joliment dit! Je ne vais pas paraphraser tout ce qui a déjà été dit mais on a globalement peur de ce qu’on ne connait pas et c’est bien dommage! Des remarques du genre: “et votre CV alors?” ou encore “la Colombie??? c’est super dangeureux…”, on en a eu des tonnes ;-)…
Par contre je peux tout à fait comprendre qu’on veuille simplement vivre sa petite vie tranquillement dans son coins. J’ai des amis qui n’ont simplement pas envie de voyager et qui sont heureux avec leurs 40 heures par semaine et leur confort. Je pense que c’est leur droit et qu’il serait malvenu de juger leur vie de “déprimante” ou autre… Par contre, pour ceux qui hésitent à partir… FONCEZ!!!!
Benoit(novomonde) Artículo reciente – Article récent Marita, recontre avec une voyageuse hors du commun
Nous sommes totalement d’accord avec toi Benoît, ici on parle bien des gens qui ont envie mais qui n’osent pas. On parle de ceux qui trouvent leur vie déprimante mais ne se lancent pas.
Moi aussi j’ai dans mon entourage des personnes qui n’ont pas l’âme vagabonde et se plaisent dans un mode de vie plus “classique”… et c’est tant mieux !